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Comment concevoir un Géoformat ?

Le thème Géoproject inclut la possibilité de créer des récits « long format » : des « Géoformats ». Leur principe est celui d’un article long (généralement entre 15.000 et 20.000 signes) qui s’articule en sections ou en chapitres. Ce concept est né aux Etats-Unis en 2012, époque à laquelle le New York Times publie Snowfall, un long format qui relate l’histoire d’une avalanche fatale dans l’état de Washington. Le récit a obtenu un prix Pulitzer en 2013, le jury saluant l’intégration d’éléments multimédia incluant de la vidéo, des animations et des graphiques.

Le long format a très vite séduit le monde journalistique francophone où la tradition du récit journalistique s’ancre dans l’écrit et la narration. Il donne de l’espace au texte, qui n’y est pas limité par un espace fini, et permet de nombreux enrichissements qu’ils soient interactifs ou non. De plus, il fait la part belle aux photos, lesquelles vont également servir la structure du récit. Il s’appuie sur une structure forte, destinée à soutenir le récit et à lui donner du rythme pour capter et retenir le lecteur. Toutefois, il n’existe pas une seule manière de proposer un récit long format. S’il est envisagé comme un long récit composé de chapitres ou de sections, la manière dont il sera construit va dépendre des intentions de l’auteur.

L’esthétique et la narration créative y sont mises au service d’un récit se déployant de manière linéaire. Pour autant, une navigation intrapage est souvent proposée, de manière à permettre à l’utilisateur de sauter une séquence qui l’intéressait moins (ou un chapitre, ou une section), de réorganiser lui-même le récit de manière non-linéaire… ou de reprendre sa lecture là où il était arrivé lors de sa dernière visite. La nature longue du récit suppose, en effet, que le lecteur dispose de suffisamment de temps pour le parcourir. Cette navigation intrapage est prévue dans le modèle proposé par les « Géoformats » : il s’agira de choisir comment celle-ci va se présenter visuellement lors de la création d’un nouveau récit. La zone « Réglages », qui figure en tête de page (colonne de droite), propose un onglet « Navigation ». Il est possible de choisir à quel niveau de la page la barre de navigation va se placer (en tête ou en bas de page) ainsi que la présentation de la navigation intrapage (sous la forme de points ou du de chaque section).

Plusieurs médias français proposent régulièrement des longs formats sur une variété de sujets. L’Equipe Explore propose des grands reportages s’appuyant sur cette nouvelle forme d’écriture depuis 2013. Le Quatre Heures est un « pure player » (c’est-à-dire, uniquement accessible en ligne) dédié aux longs formats et au storytelling numérique.

S’inscrivant dans la mouvance du « slow journalism » (journalisme lent par opposition au journalisme de vitesse qui caractérise la majorité des médias), il propose chaque premier mercredi du mois un nouveau récit : « Nous voulons surprendre et satisfaire la curiosité de lecteurs qui ont soif d’histoires originales avec des sujets, des lieux et des personnages souvent en dehors du radar des médias mais qui révèlent des enjeux bien actuels », indiquent ses instigateurs. Le site a été lancé en 2013 par des anciens étudiants du Centre de formation pour les journalistes (CFJ). La maison d’édition Ulyces est dédiée au journalisme narratif. Lancée en juillet 2014, elle publie des enquêtes, des interviews et des reportages.

Une première manière de se familiariser au genre, qui peut se décliner de multiples façons, est de s’aventurer sur des longs formats existants et de s’interroger sur leur structure en vue de comprendre l’articulation conceptuelle du récit. Il peut s’agit d’un récit à tiroirs où chaque nouvelle section consistera en une sous-section de la précédente (un peu comme le principe des poupées russes où l’on part donc du général pour aller de plus en plus vers le particulier), d’un récit linéaire sur une thématique précise qui sera découpée en sous-thématiques, de la visite d’une zone géographique ou chaque section se rapportera à un lieu précis, ou encore comme une succession d’épisodes qu’ils soient fictionnels, non fictionnels ou fictionnels s’inspirant de la réalité… La seule limite sera celle de votre imagination.

Première étape : définir le périmètre du récit

En premier lieu, il s’agit de répondre à la question du « quoi dire ». Quel est le sujet que je vais aborder ? Quelles sont les déclinaisons possibles ? Mon sujet comporte-t-il des sous-sujets ? Mon souhait est-il de raconter une histoire sous la forme d’un mini-roman, fictionnel ou non-fictionnel, composé de chapitres ? Cette étape de réflexion vise à établir l’ensemble des variables qui seront prises en compte dans le récit proposé. Par exemple, je souhaite rédiger un récit historique sur la ville de Nîmes. Quelles sont les dates importantes ? Quels sont les lieux marqués par une emprunte historique et pourquoi ? Y a-t-il un fait historique que je souhaite exploiter en particulier ou vais-je proposer un récit plus général ? Toutes ces questions font partie des intentions de l’auteur. Dans les mondes cinématographique et journalistiques, la rédaction d’un pitch permet de se donner une idée claire du sujet que l’on va aborder.

« L’écriture commence souvent par une idée, souvent exprimée par un pitch de quelques lignes, puis vient la rédaction du synopsis, d’un séquencier, d’un traitement”, indique Yann Vallet, dans « La grammaire du cinéma. Du story-board au montage : les techniques du langage filmé » (voir les références complètes en bas de page). Le pitch consiste en un résumé du projet. Il a aussi pour fonction de le “vendre” auprès des producteurs, du public. C’est une synthèse en une phrase ou un petit paragraphe. Il s’agit de rester simple dans son propos tout en suscitant l’envie.

Exemple de pitch pour un long format documentaire journalistique

Bientôt, le monde du travail ne sera plus celui que l’on connaît aujourd’hui. Menacés par la robotisation et l’automatisation, de nombreux emplois humains disparaîtraient d’ici une vingtaine d’années. Dans cette quatrième révolution industrielle, l’ensemble des travailleurs – qu’ils soient manuels ou intellectuels – est concerné. Ce webdocumentaire interroge les enjeux humains, sociaux et éthiques de la révolution annoncée : une enquête prospective sur le monde du travail de demain.

Voir le webdocumentaire « 4eme Révolution », conçu comme un long format composé de 7 chapitres : http://alterechos.be/4emerevolution/

Le synopsis a, quant à lui, pour fonction de décrire le projet, sans dépasser une page de texte. Il présente la structure, donne des indications sur les contenus. En cinéma, c’est le résumé condensé d’un scénario. Ses objectifs sont de synthétiser son propos, de donner à découvrir et de susciter l’envie d’aller plus loin. Il peut également s’agir d’une note d’intentions.

Exemple de synopsis pour le webdocumentaire “Voyage au bout du charbon” :
https://jonathanguerin33.wordpress.com/2012/10/29/webdoc-note-dintention-synopsis/

Deuxième étape : structurer son récit

Ici, il s’agit de répondre à la question du « comment le dire ». Pour vous y aider, pourquoi ne pas vous inspirer de l’écriture cinématographique ? Un scénario consiste à détailler scène par scène, séquence par séquence, ce que l’on va voir et entendre. Cela peut également prendre la forme d’une conduite qui va assister le travail de réalisation et de production. Dans un contexte journalistique, il s’écrit après que l’on ait récolté ses informations et consulté ses sources.

La réalisation d’un storyboard constitue la dernière étape avant mise au net. C’est un schéma visuel, une sorte de chemin de fer ou de plan du récit. Il s’agit d’un document descriptif, reprenant les éléments de chaque séquence. Il a pour objet donner un aperçu le plus complet possible de la narration car il servira de base au montage du projet. Le storyboard montre quoi, comment et quand ça se passe. Il est toutefois à distinguer de la définition des tâches de l’utilisateur qui consiste en une description concise de la manière dont celui-ci va réaliser une tâche particulière (c’est-à-dire, de la manière dont il va naviguer dans le récit, voir à ce propos Comment concevoir l’architecture d’un Géoprojet ?).

Dans la mesure où l’édition d’un Géoformat prévoit de compléter une section après l’autre, sans possibilité de faire remonter l’une avant l’autre (auquel cas, il faut tout effacer puis recommencer), un storyboard constituera un document précieux. Il peut également permettre de tester plusieurs structures de récits, tout en donnant une vue globale quant à la manière dont se présentera le Géoformat final. Il ne doit pas nécessairement être présenté sous une forme graphique avancée : des cases (comprenant la structure) et du texte décrivant chaque section peut suffire.

Exemple de storyboard du long format « Les algorithmes dans l’information »

Ecran 1 : Introduction (comprend une citation)
Ecran 2 : Les algos et le code – définition des concepts, illustration interactive : l’algorithme d’Euclide
Ecran 3 : Alerte, collecte et vérification de l’info – état de l’art + illustration d’un modèle généré de manière automatique
Ecran 4 : Sélection automatisée des contenus – définition des 3 principaux types d’algorithmes à l’œuvre
Ecran 5 : La production automatisée d’informations – explications + ligne du temps
Ecran 6 : Edition et diffusion automatisée – – raccord vers la conclusion (éthique et bulles de filtres), chute sur la question de la neutralité des algorithmes.

Voir la production : https://www.ohmybox.info/longform/les-algorithmes-dans-linformation/

Plusieurs outils sont possibles pour réaliser un storyboard, du duo papier-crayon aux outils en ligne :

Cette dernière étape va permettre de se donner des lignes directrices pour la réalisation finale. C’est à ce moment qu’il faut également réfléchir aux illustrations qui seront proposées, le concept d’un Géoformat étant de s’articuler en sections qui sont visuellement introduites par une image en plein écran. Cela suppose une qualité d’image tant sur le plan esthétique ou graphique (= donner envie) que sur celui de sa forme (minimum 1600 pixels de large, pour ne pas que l’image soit pixelisée lorsqu’elle s’affiche sur un grand écran).

Ressources

« La grammaire du cinéma. Du story-board au montage : les techniques du langage filmé », Yann Vallet, Armand Colin, 2016.
Conseils pour réussir son pitch : http://www.journaldunet.com/management/efficacite-personnelle/resussir-son-pitch/
A propos du synopsis de fiction : http://www.writing-world.com/publish/leblanc.shtml