Nîmes

Regards insolites sur la ville et ses habitants

Gertrude et Alice à Nîmes

Projet lié : Voyageurs venus d'ailleurs

Dans l'Autobiographie d'Alice Toklas Gertrude décrit leurs aventures à Nîmes. Ce n’est pas une autobiographie, mais un récit publié en 1933 par l'écrivaine américaine Gertrude Stein, où elle se substitue à sa compagne Alice Toklas pour du même coup se raconter à travers elle.

Gertrude Stein et Alice Toklas

« Nous arrivâmes à Nîmes et nous nous installâmes très confortablement. Nous allâmes voir le médecin-chef de la ville, le docteur Fabre, et, grâce à son extrême amabilité et à celle de sa femme, nous nous trouvâmes vite chez nous à Nîmes, mais avant même que nous ayons commencé notre travail, le docteur nous Fabre nous demanda un service. Il n’y avait plus d’ambulances automobiles à Nîmes. À l’hôpital militaire se trouvait un pharmacien, capitaine dans l’armée, qui était très malade, et perdu, mais il voulait mourir chez lui. Sa femme était là, et, durant le transport, se tiendrait auprès de lui, en sorte que nous n’aurions nulle autre responsabilité que de le conduire chez lui. Bien entendu, nous dîmes que nous étions prêtes à le faire, et nous le fîmes.    

Nous avions eu une longue course par les montagnes, et la nuit était tombée longtemps avant que nous ayons pu arriver à Nîmes. Nous étions encore assez loin de la ville, quand soudain, sur la route nous vîmes quelques silhouettes. Les phares de la vieille Ford n’éclairaient guère la route, et ne laissaient rien voir sur les bas-côtés, et nous ne distinguions pas bien ce que c’était. Pourtant nous nous arrêtâmes, comme nous faisons toujours quand quelqu’un nous demandait la permission de monter dans notre auto.  Un homme, évidemment un officier, dit : « Mon automobile est cassée et il faut que je rentre à Nîmes. – Bien, répondîmes-nous, montez tous les deux par-derrière, vous y trouverez des matelas et tout ce qu’il faut, installez-vous. » Nous rentrâmes à Nîmes. Comme nous entrions dans la ville, je leur demandai par la petite fenêtre : « Où voulez-vous descendre ? – Où allez-vous ? répondit une voix. « A l’hôtel Luxembourg », dis-je à mon tour. « Ça ira », reprit la voix. Nous arrivâmes devant l’hôtel Luxembourg et nous arrêtâmes.  Il y avait là beaucoup de lumière. Nous entendîmes un remue-ménage par-derrière, puis un petit homme, d’aspect furibond, avec le képi et les feuilles de chêne des généraux de division, et la croix de la Légion d’honneur à son cou, apparut devant nous. Il dit : « Je veux vous remercier, mais d’abord, avant de le faire, je dois vous demander qui vous êtes ? - Nous sommes les déléguées du Fonds Américain pour les Blessés Français, répondîmes-nous gaiement, et nous sommes pour l’instant stationnées à Nîmes- Et moi, répliqua-t-il, je suis le général qui commande ici et, comme je vois à votre voiture un numéro militaire français, vous auriez dû vous présenter à moi immédiatement. – Vraiment, dis-je, je n’n savais rien, je suis tout à fait désolée. -  Ça va, reprit-il sur un ton agressif, si jamais vous avez besoin ou désir de quelqur aide, faites-le-moi savoir. »

Gertrude raconte le passage des soldats américains à Nîmes

« Bientôt l’armée américaine arriva à Nîmes… Beaucoup parmi les dames de Nîmes parlaient fort bien l’anglais. On avait toujours eu des gouvernantes anglaises à Nîmes, et elles, les Nîmoises, s’étaient toujours enorgueillies de leurs connaissances de l’anglais, mais, comme elles le disaient, elles ne pouvaient pas ni comprendre ces Américains, ni même s’en faire comprendre quand elles parlaient anglais mais ces américains ne pouvaient pas les comprendre non plus quand elles parlaient anglais. Je devais reconnaître qu’il en allait à peu près de même pour moi.

Tous ces soldats venaient tous du Kentucky, de la Caroline du Sud, avec leur accent du Sud, etc., et ils n’étaient pas faciles à comprendre. »

… Nous menions une vie très pleine. Il fallait s’occuper des Américains, il fallait les visiter dans tous les petits hôpitaux aussi bien qu’au régiment à Nîmes, il fallait les repérer tous et être gentilles avec tous, il y avait aussi les Français dans les hôpitaux, que nous devions visiter, car c’était là notre mission. Puis, par la suite survint la grippe espagnole et Gertrude Stein et un des médecins militaires de Nîmes visitèrent ensemble les villages autour de Nîmes sur une très grande distance pour ramener en ville les soldats et officiers qui étaient tombés malades chez eux pendant leur permission.

…Le temps passait, nous étions très occupées, et enfin arriva l’armistice. Les soldats français, dans les hôpitaux, le prirent avec un sentiment de soulagement plutôt que de joie. Je me rappelle le mot de l’un d’eux en réponse à Gertrude Stein qui avait dit : « Enfin, c’est la paix ! – Au moins pour vingt ans « , répondit-il.

Puis elles partirent pour l’Alsace

Dans la même carte