Nîmes

Regards insolites sur la ville et ses habitants

Lady Cradock à Nimes

Projet lié : Voyageurs venus d'ailleurs

Mrs Cradock pendant ce grand voyage (1783-1786) en France destiné à consolider sa santé (spleen peut-être?) écrit un journal de voyage à son propre usage et nous raconte tout de sa vie quotidienne ainsi que ses émotions touristiques. Peu respectueux, ses héritiers se sont débarrassés de ces paperasses qui n'ont été retrouvées qu'à la fin du XIXème chez un brocanteur. A noter que Mrs Cradock, A. Young, A. Schopenhauer séjournaient  à l'Hotel du Louvre respectivement en 1785, 1787, 1804. Était- ce le seul hôtel convenable à Nîmes à cette époque ?

Traduit par Mme O.Delphine Balleyguier ce journal parait en 1896.

 

 

….nous poursuivimes jusqu'à Nîmes qu'on dit avoir été bâtie 500 ans avant Rome. En approchant on rencontre les ruines d'une tour romaine, située sur une haute colline dominant la ville . Les anciens murs s'avancent jusqu'à cette tour qui servait autrefois de forteresse et a encore 90 pieds de hauteur.

Nous n'arrivions qu'à 9 heures du soir à l'hotel, où il ne restait de disponible qu'une seule chambre à deux lits devant servir de chambre à coucher et de salle à manger pour nous et nos domestiques. Mais lorsque la maitresse de l'hôtel comprit que nous avions l'intention de nous arrêter quelques jours, elle proposa de nous céder sa chambre pour une nuit supposant, avec raison, qu'il y en aurait de libres le lendemain. En conséquence, M.Cradock, moi et ma femme de chambre , nous occupâmes celle destinée à nos repas, tandis que le Dr Fischer et James se contentèrent de l'autre. Cet hôtel était uniquement desservi par des hommes chargés même des lits ; aussi je  résolus d'aider ma femme de chambre à faire le mien. La nourriture bonne et le tout assez propre.

19 Mars 1785

M.Cradock se leva de bonne heure , tandis que je m'habillais et que j'aidais à nettoyer la chambre et à préparer le déjeuner.Aussitôt après nous sortions visiter la ville. D'abord nous allons aux bains romains que l'on a dégagés, et qui doivent être restaurés d'après les premiers plans. L'eau qui y coule constamment provient de la fameuse fontaine de Nîmes, dont la source fournit en abondance une eau claire comme le cristal et alimente, non seulement la ville, mais les moulins, les canaux, les bassins construits en pierre blanche d'un aspect propre et gai. Vis à vis des bains sont les ruines du temple de Diane. Les murs seuls existent ; mais des fragments de piédestaux, de fûts, de colonnes, de corniches et d'un entablement attestent la splendeur première de cet ancien édifice. Il fut détruit pendant la guerre civile sous le règne d'Henri III. De là nous nous dirigeâmes vers l'amphithéatre, qui passe pour être le plus beau modèle de ce genre. Il date d'Antoine le Pieux qui y contribua largement. Nous le parcourûmes en entier, et nous reposâmes sur un des gradins s'étageant autrefois au nombre de trente , aujourd'hui au nombre de dix-sept seulement. Quelques uns encore en parfait état , quoi qu'ils servent de murs d'appui à des maisons baties au milieu des arènes. En contemplant cet ancien amphithéatre, je ne pouvais m'empêcher de me reporter aux scènes barbares dont il avait été témoin, de réfléchir à la fragilité des grandeurs humaines, et de déplorer qu'un si beau monument soit devenu un monceau de ruines.

Nous continuâmes notre tournée par la maison carrée, bâtie par les habitants de Nimes en l'honneur de Caüs et Lucius César, petit fils d'Auguste par sa fille Julie, femme d'Agrippa. On cite ce batiment, échappé aux ravages du temps, comme un des chefs d'œuvre d'architecture du monde entier. Il est probable qu'on le conservera, car il vient d'être converti en église par les Augustins qui s'y sont établis. Malheureusement, la magnifique simplicité de l'intérieur en a éte gravement compromise par une quantité de petites chapelles ornées de mauvais tableaux, de statues habillées de façon criarde, et de dorures clinquantes d'un goût déplorable.

...Le Dr Fischer alla faire visite à M.Granier, lequel proposa de nous accompagner le lendemain à un cabinet d'Histoire naturelle……..M. Granier arriva à neuf heures. Il nous conduisit chez les neveux du président de l'Académie des Sciences, mort récemment. Ces messieurs, très aimables et très empressés à nous faire plaisir, nous introduisirent dans la bibliothèque de leur oncle défunt. Il me sembla qu'elle ne brillait pas par le nombre de livres, mais contenait , parait-il , certains volumes fort rares. A coté de la bibliothèque , il y avait une chambre renfermant des antiques dont plusieurs ont été découverts dans des fouilles. J'admirai beaucoup une petite statuette en cuivre représentant Esculape. Ayant ensuite traversé un jardin, nous entrâmes dans une salle contenant toutes sortes de curiosités naturelles. On nous montra de l'or trouvé dans du sable déposé sur le bord du Gardon après une trombe d'eau considérable. Notre visite terminée, on nous pria d'inscrire nos noms sur un registre, ce que nous fîmes et on nous offrit des rafraîchissements, ce que nous refusâmes.

source gallica.bnf.fr/BNF

1800 Peinture d'Hubert Robert actuellement au Louvre

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